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Extrait : Tome 1 de la saga Unité d'élite de Loraline Braden
Chapitre 1
Gosse de riche
Somalie, sud de Mogadiscio, octobre 2013
ela faisait plusieurs jours maintenant qu’elle était enfermée dans ce trou à rats. Alyssandra ruminait les événements qui avaient conduit à sa capture. Quelle idiote elle avait été ! Elle n’aurait jamais dû céder au caprice de cette pimbêche de Kelsey Ewing. Elle l’avait pourtant prévenue que la région n’était pas sécurisée, prenant le temps de lui expliquer que les islamistes shebabs[1] étaient nombreux dans les zones rurales et qu’il était dangereux de s’aventurer hors de Mogadiscio. Trois semaines auparavant, les Navy Seals[2] avaient tenté de capturer un chef shebab lors d’une opération amphibie sur la côte somalienne. Le commando avait débarqué sur une plage de Barawe, une ville portuaire contrôlée par les insurgés islamistes et située à 180 km au sud de Mogadiscio. Les Seals avaient réussi à s’approcher furtivement de la villa visée, mais ils avaient été repérés alors qu’ils pénétraient dans l’enceinte du bâtiment. S’en était alors suivie une intense fusillade ponctuée de violentes explosions de grenades. Pour éviter des pertes civiles, les Seals avaient interrompu la mission sans avoir pu s’assurer que leur cible avait été éliminée. Heureusement, le commando américain avait pu décrocher au complet et aucune perte n’avait été à déplorer. Depuis ce que les shebabs considéraient comme une victoire, ils se faisaient de plus en plus audacieux.
Mais cette gosse de riche avait exigé de se rendre sur un spot de plongée au sud de Mogadiscio, car elle s’ennuyait dans la villa sécurisée qu’elle occupait avec son père. Comme si la Somalie était le lieu idéal pour faire de la plongée ! Alyssandra ne comprenait toujours pas pourquoi Murphy Ewing avait emmené sa fille avec lui alors qu’il allait négocier des contrats d’armement entre sa société et le gouvernement de la République fédérale de Somalie. Au lieu de rester sagement à Miami, à faire la fête avec ses amis de la jet-set, cette blondasse décolorée avait suivi son paternel et même entraîné deux de ses copines, aussi détestables qu’elle, pour leur offrir un peu de dépaysement ! Question dépaysement, elles étaient servies maintenant ! Et, à cause de son caprice d’enfant gâtée, quatre hommes avaient été tués !
L’attaque avait été soudaine. Les deux Hummer venaient de se garer devant l’embarcadère où les attendait un bateau. Alyssandra n’avait pas encore éteint le moteur du second véhicule que le service de sécurité avait déjà pris position près du ponton. Elle avait demandé à Kelsey de patienter le temps qu’elle ait vérifié le périmètre. Mais les trois Américaines avaient sauté hors du 4 × 4 et s’étaient dirigées vers le bateau sans se préoccuper de ses conseils de prudence. Furieuse, Alyssandra s’était empressée de verrouiller les véhicules et de courir derrière le trio. Alors que les jeunes femmes étaient sur le point de monter à bord de l’embarcation, Kelsey, en vraie fille à papa pourrie gâtée, avait exigé qu’Alyssandra rebrousse chemin pour aller chercher son équipement de plongée, qu’elle avait oublié dans le second Hummer. En maugréant, la jeune femme s’était exécutée. Alors qu’elle revenait avec son chargement sur l’épaule, tout avait subitement basculé.
Quand elle avait entendu les premiers coups de feu, Alyssandra n’avait pu que hurler « Couchez-vous ! ». Elle avait tenté de dégainer l’arme qu’elle portait toujours sur elle, mais le temps qu’elle jette les bouteilles de plongée pour mettre la main à son holster de cheville, les quatre hommes du service de sécurité étaient déjà morts et le pilote du bateau tenait en joue une Kelsey terrifiée. Encerclée par cinq shebabs, la rage au cœur, Alyssandra s’était rendue sans même avoir pu faire usage de son arme.
Après leur avoir bandé les yeux, les terroristes les avaient emmenées, dans leur propre Hummer, vers une destination inconnue. Le trajet avait duré environ trois heures ; on les avait ensuite fait sortir du véhicule et enfermées dans cette prison.
La pièce où la jeune femme était séquestrée sentait la poussière et le renfermé. Plongée dans l’obscurité complète, il était impossible d’y discerner ne serait-ce qu’un rayon de soleil ou une lueur, même infime. Alyssandra ne savait ni où elle se trouvait, ni depuis combien de temps durait sa détention. Trois jours ? Trois jours et demi, peut-être ?
À quatre reprises, les shebabs étaient venus. Chaque fois, c’était la même chose : ils la tiraient de sa geôle, lui posaient des questions auxquelles elle ne répondait pas, la rouaient de coups tout en l’insultant puis la ramenaient à sa cellule, jetant une gamelle avec un peu de nourriture sur le sol avant de verrouiller la porte. Alyssandra avait une bonne connaissance des coutumes de la région et possédait d’excellentes notions des différentes langues et dialectes du pays. C’était d’ailleurs pour cela qu’elle servait, entre autres, d’interprète à Kelsey Ewing. En ne montrant pas qu’elle comprenait les paroles que les terroristes échangeaient, elle espérait pouvoir glaner quelques renseignements utiles.
Elle avait rapidement saisi les intentions de leurs kidnappeurs. Ils avaient ciblé la fille de Murphy Ewing pour exercer un chantage sur son père et obtenir des armes performantes à moindre coût. Dès leur première visite, la jeune femme avait compris que ces hommes n’hésiteraient pas à abuser d’elle, aussi avait-elle mis au point une stratégie pour retarder l’inévitable. Elle ne doutait pas que le gouvernement américain ferait tout son possible pour obtenir leur libération, en négociant une rançon ou en envoyant un commando des forces spéciales. Il fallait gagner du temps.
Les kidnappeurs n’avaient aucune raison de s’abstenir de violer les femmes, surtout les femmes occidentales. En revanche, les relations avec une femme « impure » leur étant interdites, il était judicieux de leur faire croire qu’elle était indisposée. Aussi Alyssandra s’était-elle blessée volontairement avec un bout de métal tranchant et avait-elle maculé son pantalon cargo de sang au niveau de l’entrejambe. Elle n’était sortie de son mutisme que pour réclamer, à grand renfort de gestes, puisqu’elle n’était pas censée pouvoir se faire comprendre autrement, des protections périodiques. Le shebab avait posé sur elle un regard dégoûté et la jeune femme avait compris qu’elle avait obtenu quelques jours de répit. Ses compagnes d’infortune n’avaient pas eu la même chance. Elle avait entendu les cris de Kelsey et de ses amies. Même si elle n’appréciait pas les trois filles, Alyssandra était désolée pour elles et avait du mal à faire abstraction de leurs supplications et de leurs pleurs quand les shebabs venaient les chercher dans leurs cellules respectives.
Pour tromper son ennui, mais surtout son angoisse, Alyssandra pensait à sa famille. Ils devaient être affreusement inquiets. Surtout son père et son frère ! Nul doute que son père devait user de son grade de colonel dans l’US Marine Corps pour essayer de la localiser et la faire libérer. Quant à son frère, il devait bouillir de colère. Matt était en déploiement en mer Méditerranée sur le porte-avions USS Dwight D. Eisenhower depuis plusieurs mois. S’il avait été informé de sa disparition, il devait enrager de ne pas pouvoir être auprès de leurs parents…
Alors que la jeune femme était plongée dans ces pensées moroses, elle entendit du bruit derrière la porte et se raidit, inquiète. Ses ravisseurs revenaient. Alors qu’elle se recroquevillait contre la paroi, elle entendit le cliquetis de la clé dans la serrure et vit la porte s’ouvrir sur des ombres menaçantes. Elle cligna des paupières et leva son avant-bras devant son visage pour protéger ses rétines du rayon de lumière trop agressif. Deux hommes jetèrent une masse sombre sur le sol avant de refermer le battant. Le bruit sourd du verrou qui s’enclenchait à nouveau résonna dans le silence.
[1] Al-Shabbaab est un groupe terroriste islamiste somalien d’idéologie salafiste djihadiste créé en 2006 lors de l’invasion éthiopienne. Ses membres sont couramment appelés shebabs ou chebabs.
[2] Navy Seals : unités des forces spéciales de la Navy américaine. SEAL est l’acronyme de Sea, Air, and Land.
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Tags : Braden, extrait, BMR, Romance, Militaire
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