• Ivy Wilde tome 1: Quand fainéantise rime avec magie

    Auteur : Helen Harper

    Format numérique

    219 pages

    Sorti le 24 octobre 2018

     

    Résumé :

    Bon, soyons clairs : Ivy Wilde n'est pas une héroïne. C’est même la dernière personne que vous contacteriez si vous aviez besoin d'une aide magique, malgré ses talents. Si ça ne tenait qu'à elle, Ivy passerait ses journées affalée dans le canapé, devant la télé, paquets de chips en main, à papoter avec son familier félin jusqu'à ce que mort s'en suive. Mais quand elle se retrouve victime d'une erreur d'identité, elle est embarquée malgré elle à la Branche Arcane, le département d'investigation de l'Ordre Hermétique du Crépuscule d'Or.

    Les problèmes se multiplient quand un objet de valeur est volé au nez et à la barbe des représentants de l'Ordre ; et le fait d'être liée magiquement à l'Adeptus Exemptus Raphaël Winter ne fait qu'empirer la situation. Il a peut-être un regard couleur saphir et le corps d'un mannequin maillot de bain, mais pour Ivy, il représente tout ce qu'il y a de soporifique dans le boulot de sorcier.

    Et s'il l'oblige à retourner à la salle de sport, juré, elle le transforme en crapaud.

     

    Avis de Chloé :

     

    Alors que ça faisait un moment que j’avais vu la sortie du premier tome de la série Ivy Wilde, je ne sais pas pourquoi je n’avais pas vraiment envie de le lire, serait-ce la couverture trop violette ? Ou un résumé qui me donnait l’impression que l’héroïne ne serait pas vraiment intéressante ?

    Bref, j’ai fini par aller lire des extraits sur Booknode à un moment où je cherchais désespérément quelque chose à lire (alors que j’ai une PAL plutôt bien remplie pourtant). Et là : révélation, ça a l’air vraiment pas si mal que ça finalement !

    Du coup ni une ni deux, je me jette à l’eau et me mets à ma lecture. On commence donc le livre en suivant Ivy, sorcière-chauffeur de taxi et glandeuse professionnelle à ses heures perdues. Suite à un malentendu (que je ne vous dévoilerai pas ici, c’est trop drôle à lire), elle se retrouve à devoir aller sur le terrain en mission avec le sexy Raphaël Winter qui travaille pour l’Ordre, Ordre duquel elle se tenait pourtant soigneusement à l’écart depuis des années.

    Ivy la fainéante et Winter le bosseur ne sont clairement pas faits pour s’entendre mais ils vont tout de même devoir collaborer pour trouver un voleur, affaire qui va s’avérer beaucoup plus complexe qu’elle n’y parait au départ.

    J’ai tout simplement adoré Ivy, effectivement elle est déjantée et peut paraître immature sur certains points, mais tout est expliqué et logique par rapport à son histoire, ce n’est pas un personnage « taré » pour le simple plaisir de l’être (ou pour ressembler à des personnages à succès déjantés aussi comme Charley Davidson par exemple…). On se régale donc à suivre Ivy dans ses journées compliquées (se lever le matin, devoir prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur, bref un calvaire alors qu’il est tout juste 9h).

    Mais il n’y a pas qu’Ivy dans cette histoire, loin de là, et Winter s’est révélé être un love interest à la hauteur : beau conn*rd au début, il se révèle au fur et à mesure du roman et gagne ainsi beaucoup de charme.

    Enfin, mon personnage préféré du roman : Brutus, le chat et familier d’Ivy. Ceux qui ont déjà lu le livre me comprendront, les autres allez lire le livre ! winktongue

    Pour ce qui est de l’intrigue, le début ne promettait pas forcément grand-chose, et si au final on n’est pas sur une intrigue ultra recherchée ou compliquée comparée à d’autres, ça fait le boulot. On s’y intéresse, on se pose des questions et on ne résout pas l’intrigue dès les premières pages (donc pas d’ennui par la suite).

    Bref vous l’aurez compris, j’ai beaucoup aimé ce livre, surtout pour ses personnages, son humour et les réparties du tonnerre. C’est donc un très agréable roman d’urban fantasy que je vous recommande chaudement.


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  • Secret girl

    Éditions Elixyria

    Parution le 8 janvier 2020

    203 pages

     

     

     

    Résumé : À bord d’un train, deux vies, deux destins se croisent. 

    Alice fuit Paris, sans vraiment savoir où aller. Gabriel, père divorcé, ramène son fils Maxime dans le Nord pour y passer les vacances ensemble. Dès le premier regard qu’ils échangent, il est intrigué par la fragilité que dégage la jeune femme. 

    Gabriel n’imagine pas encore à quel point Alice va bouleverser son quotidien de libraire. 

     

      

     

    Avis de Mélissa : Je tiens à remercier les Éditions Elixyria pour ce service presse ainsi que l’auteure pour ce bon moment de lecture.

     

    Cette petite romance se lit tout en douceur. Les pages se tournent sans même que l’on s’en rende compte, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les personnages principaux, Alice et Gabriel, qui sont absolument adorables, mais surtout pour l’intrigue. Le lecteur ne peut faire autrement que de se demander qui Alice fuit et pourquoi.

     

    Alice fuit sa vie parisienne et prend le premier train qui part de la gare sans même savoir où il s’en va, en se faisant toute petite pour que personne ne la remarque. Et c’est à cet endroit qu’elle fera la connaissance de Gabriel, un libraire père d’un enfant de qui il a la garde partagée. Celui-ci retourne en effet chez lui après avoir récupéré son fils. Quelques heures plus tard, sous un torrent de pluie, il retrouve la fille du train complètement frigorifiée et trempée et lui offre illico l’hébergement pour la nuit. Mais le séjour se prolongera et de fil en aiguille, Alice gagnera le cœur de chaque membre de la famille de Gabriel… et également le sien. Tout ce qu’elle souhaite, c’est de rester avec eux, mais la réalité qu’elle tente de fuir ne lui donne aucun répit et son secret lui pèse énormément.

     

    Bref, j’ai beaucoup aimé cette lecture, que je vous conseille volontiers si vous cherchez un petit roman sans prise de tête. C’est une magnifique romance émouvante et addictive.

     


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  • Tamara Tome 3 : Le Pouvoir de l'Eris

     

    Tamara

    Tome 3 : Le pouvoir de l'Eris

    De Delman

    Auto-édition

    Format numérique

    Sortie le 14 décembre 2019

    364 pages

     

    Résumé :

     

     

    Plongée dans un univers insolite à la croisée des mondes magiques, et à nouveau séparée de Yaël, je me trouve confrontée à un problème pire que les précédents :

    l’Éris cette magie ultime qui sommeille en moi, et qui est la source de ma puissance, a tout bonnement décidé de se rebeller.

    Me voilà donc obligée de mener plusieurs combats de front :

    retrouver l’homme que j’aime, empêcher l’invasion de l’Entre Monde par une armée démoniaque et, surtout, batailler contre mon alter-ego.

     

    Mais comment combattre sans pouvoirs quand ma propre vie est en danger ?

     

    L'avis de Fred :

     

     

    C'est avec une forte impatience que j'attendais ce 3ème tome de la saga Tamara c'est donc avec plaisir que je me suis plongé dedans.

    Dans cette suite, notre héroïne se retrouve propulsé dans l'entre monde. C'est un monde "entre-deux" où elle y évoluera sans pouvoir, mais surtout sans Yaël.

    Elle sera complètement perdue face à des nouvelles têtes qu'elle ne connaît pas. Enfin, qu'elle ne connaît pas toutes, puisqu'elle aura la surprise d'y trouver Vicarius, que nous avons découvert dans le T2. Mais heureusement pour elle, et pour nous soyons honnête, Yaël fera finalement son grand retour assez vite.

    Leur relation est plutôt complexe dans cette suite. Il y aura une certaine distance malgré l'amour qu'ils ont l'un pour l'autre, à tel point qu'elle va dépasser certaine limite avec lui, qui ne seront pas facile à pardonner.

    Malgré tout il lui sera d'un grand soutient accompagné de ses nouveaux alliés pour qu'elle puisse affronter, certainement le plus grand de tout les dangers pour elle, l'éris.

    J'ai vraiment bien aimé ce nouvel univers qu'a créé Delman, on y retrouve tout ce qu'on connaît et aime depuis le 1er tome.

    Notre fabuleuse auteure a trouvé le secret de la réussite avec cette histoire.

    Malgré tout, je reconnais que même si je prend beaucoup de plaisir à lire cette saga, je ne l'imaginai pas autrement qu'en trilogie et je suis un peu déçu de ne pas avoir eu ma fin tant attendue.

     

    J'ai peur, vu qu'il reste encore 2 tomes à venir, que l'histoire tourne un peu en rond, ce serait dommage. Mais nous n'en sommes pas encore là, heureusement.

     

     


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  • Pretty dead girl

    Monica Murphy

    Lumen

    Broché

    476 pages

    Sortie de 14 juin 2018

     

    Résumé :

     

    Belles à tomber.

    Parfaites en tout point.

    Sauvagement assassinées.

    Leur corps est apprêté avec méticulosité, disposé dans une position bien particulière. Leurs visages, parfaitement maquillés, sont tournés selon l'angle le plus flatteur, leurs vêtements coûteux brossés et défroissés. Seul leur cou ouvert d'une oreille à l'autre vient démentir ce tableau idyllique. Seul leur regard vide trahit la vérité : elles sont mortes et bien mortes.

    Les filles les plus populaires du campus sont tuées les unes après les autres et la reine de la promotion, Penelope Malone, présidente du club qui les réunit, est terrifiée à l'idée d'être la prochaine sur la liste. La seule issue, pour elle ? Fouiner un peu, chercher qui peut bien être ce tueur en série qui menace la tranquillité de cette petite ville côtière de Californie, un havre de paix habité par certaines des plus grandes fortunes du pays. Ses soupçons se portent d'abord sur Cass Vicenti, d'autant qu'il était étrangement proche de certaines des victimes malgré son statut de nerd de service. Mais échapper au tueur va demander à la jeune fille de se faire beaucoup, beaucoup plus maligne qu'elle ne le pensait...

    Belles à tomber. Parfaites en tout point. Sauvagement assassinées. Le meurtrier ne sera satisfait que quand toute l'aristocratie qui règne sur le lycée sera passée au fil du couteau – à commencer par Penelope. Et le coupable est plus près d'elle qu'elle ne le croit ! Monica Murphy joue avec les nerfs de la jeunesse dorée californienne dans ce thriller parfaitement ficelé.

     

    Avis de Nikki :

    Un thriller young adult en demi teinte. Si j'ai aime l'idée d'introduire une histoire de tueur/tueuse en série dans un univers adolescent, j'ai moins appréciée de retrouver tous les cliché du genre young adult comme le garçon étrange et solitaire, les filles populaires... Je n'ai pas non adhéré plus à la raison des meurtres.
    Malgré ses petits défaut, j'ai eu plaisir à découvrir la plume de Monica Murphy et j'ai eu du mal à lâcher le livre, impatiente de découvrir la fin. La plongée dans la tête du tueur/de la tueuse à la première personne est une très bonne idée.

     


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  • 1
    MEGHAN
    25 juin 2020


    Je claque la porte de l’appartement. J’abandonne la valise derrière moi. Le voyage m’a exténuée, mais, surtout, je suis en colère contre mon soi-disant meilleur ami qui a eu la gentillesse de m’oublier à l’aéroport. Encore une fois. Je ne devrais même pas être étonnée. Il serait même préférable de ne pas compter sur lui. Sauf que chaque fois, une douce voix s’insinue dans mon esprit et me chuchote de lui faire confiance, juste avant de se taire sous l’effet de la gifle mentale qui me frappe en remarquant son absence.
    Je m’écroule sur le canapé sans prendre la peine de retirer ma veste grise et pose mes pieds sur la table basse en soupirant.
    Un petit remontant serait le bienvenu, mais je suis atteinte de flemmardise aigüe. Je n’ai pas le courage de me lever et d’aller dans la cuisine.
    D’un geste parfaitement maîtrisé, je libère mon pied droit de son étau, qui ressemble à s’y méprendre à un escarpin noir, à l’aide de mon pied gauche. Quelle idée d’avoir enfilé une paire de chaussures à talons !
    En réalité, je n’ai pas eu le choix puisque je n’ai pas réussi à mettre la main sur mes baskets, ce matin, et qu’il était hors de question de retarder mon départ juste à cause de ça. Au moment où je commence à enlever mon autre chaussure, la porte de l’appartement s’ouvre, laissant pénétrer des gloussements et des bruits de succion qui me donnent la nausée.
    Une grimace naît sur mes lèvres. J’imagine déjà la scène. Malgré tout, je rejette la tête en arrière et me penche un peu afin d’avoir une vue dégagée sur l’entrée. Elijah, le visage niché dans le cou d’une femme blonde, semble bien s’amuser.
    Une nouvelle conquête. J’aurais dû m’en douter. La gent féminine est la première cause d’amnésie chez lui. Surtout lorsqu’elle offre la perspective de pratiquer une activité lui permettant d’atteindre le septième ciel.


    — Épargne-moi le spectacle, crié-je alors que les doigts de mon ami commencent à descendre la fermeture Éclair de la robe de sa compagne.


    La jeune femme s’éloigne d’Elijah d’un bond, surprise. Ses yeux naviguent un instant entre son compagnon et moi avant qu’elle ne baisse le regard. Nerveusement, elle se mord la lèvre inférieure, dansant d’un pied sur l’autre. Elle ne sait visible-ment pas où se mettre et je la comprends. Je pourrais l’aider à se sentir à l’aise en m’éclipsant ou même en me présentant, sauf que je n’en ai pas envie. Je veux qu’elle parte. J’ai besoin d’avoir mon ami pour moi seule. Après un long moment de silence, la jeune femme décide de prendre la fuite et murmure quelques mots à l’oreille de mon colocataire avant de quitter l’appartement.


    — Tu sais qu’à cause de toi, je viens de louper une occasion en or, se plaint-il en désignant la porte d’entrée qui se referme.
    — Pauvre chou. Je suis sûre qu’elle t’a donné rendez-vous ce soir.
    — Demain soir, pour être exact, admet-il en se laissant tomber dans le pouf poire qui trône près du canapé. Je vais devoir patienter plus d’une journée.
    — Cesse de chouiner, lancé-je en lui envoyant un coussin au visage. Elle aurait pu partir sans un mot. Tu n’as même pas eu la délicatesse de nous présenter. D’ailleurs, c’est quoi son petit nom ?
    — Marina… Maria… Mélissa… Bref, quelque chose en « a ». Et qui commence par « M ». Enfin, je crois.
    Je lève les yeux au ciel, exaspérée par son attitude. On dirait un gamin. Non, en vrai, il est pire qu’un gamin. Les gosses sont capables de se souvenir d’un prénom au moins.
    — Même pas capable de retenir un prénom.
    — Peu importe. De toute façon, je ne la reverrai plus après demain soir.


    Il se penche en avant, posant ses avant-bras sur ses cuisses, et entrelace ses doigts en retrouvant un air sérieux.


    — Et si nous discutions de ton séjour. Si tu as avancé ton retour, j’en conclus que les retrouvailles n’ont pas été des plus joyeuses.


    J’hallucine. Il est tellement à l’ouest qu’il pense que je suis revenue plus tôt que prévu. Au final, ce n’est peut-être pas la paire de seins de « quelque chose en a » la seule fautive. J’ai été trop vite dans mes conclusions.


    — Quel jour sommes-nous, Einstein ?
    — Le 24 juin, réplique-t-il sans réfléchir.
    — BIP, mauvaise réponse. Nous sommes le 25, monsieur le petit génie.
    — Merde, Meg, je suis désolé, s’excuse-t-il en changeant de place.


    Il vient s’asseoir sur la table basse après avoir soulevé mes pieds.


    — Pourquoi n’as-tu pas téléphoné ? ajoute-t-il.
    — J’ai juste essayé une bonne quinzaine de fois. Ou une vingtaine. Je n’ai pas vraiment compté, à vrai dire.


    Il me regarde, étonné, tout en tâtant les poches de son jean, en vain.


    — Meuble à chaussures dans l’entrée.


    Elijah tourne la tête dans la direction indiquée et aperçoit l’objet en question juste à côté de mon trousseau de clés. Une grimace étire les traits de son visage.


    — D’accord, sur une échelle de 1 à 10, à quel point tu me détestes ?
    Je lève les mains et commence à compter sur mes doigts en les redressant un par un jusqu’à cinq avant de stopper et de faire mine de réfléchir. Elijah m’observe, inquiet de sa sentence. Je joue avec le sixième doigt avant de rendre mon verdict et de former un zéro à l’aide de mon pouce et l’index.


    — C’est encore pire, lance-t-il d’une voix plaintive, loin de se réjouir de cette note.


    Et il a raison. Je ne lui en veux pas et son attitude ne m’étonne pas. Ce n’est pas la première fois qu’il me fait faux bond et je suis habituée depuis le temps. Que ce soit lorsqu’il oublie de venir me chercher à l’aéroport ou qu’il zappe une soirée entre nous. Mon absence de réaction est pire pour lui. Il préfère les cris, les larmes, les engueulades, car ce sont des choses qu’il parvient parfaitement à gérer. Il a de la pratique, vu le nombre de ses conquêtes qui quittent l’appartement en mode furie. L’indifférence, par contre, il déteste ça. Tout comme l’ignorance.


    — J’ai grave merdé, hein ? dit-il en passant la main dans ses cheveux.
    — Juste un iota, réponds-je en montrant un petit écart avec mes doigts.


    Je retire mes pieds de ses jambes et abandonne le canapé, malgré la douleur qui picore ma peau. Je me dirige vers la cuisine. J’ouvre le réfrigérateur et peste à voix basse en m’apercevant qu’il est presque vide. Bon sang ! Qui m’a foutu un colocataire pareil ? Comme si la réponse pouvait être autre chose que moi. Je savais à quoi m’attendre quand nous avons décidé d’unir nos forces dans ce monde de brutes.
    New York a toujours été un rêve de petite fille. Un rêve que j’avais enfoui au plus profond de moi, persuadée de ne jamais quitter mon Texas natal. Quand j’ai eu l’occasion de venir passer quelques semaines de vacances dans la Grosse Pomme, je n’ai pas hésité. Et alors que mon amie Tania a retrouvé notre vie d’avant après cet interlude, de mon côté, je n’en ai pas eu le courage. Je n’avais plus envie de faire semblant d’être heureuse alors que ma vie n’avait rien d’exaltant. Je voulais autre chose qu’un mari, des enfants, une belle mai-son et un chien. Je voulais pouvoir me promener dans Central Park, jour après jour. Je voulais pouvoir fouler Times Square et profiter des comédies musicales. Je voulais pouvoir me rendre dans un bar sans parcourir des kilomètres.
    Dans l’urgence, il m’a fallu accepter un emploi à temps partiel dans un cabinet médical et un appartement miteux dans un quartier pauvre du Bronx avec un voisin collectionneur de « petites amies » en tout genre. Avant même de parler pour la première fois avec lui, j’avais vu passer des dizaines de femmes blondes, brunes ou rousses. Leur seul point commun : avoir été assez idiotes pour croire les conneries débitées par l’homme qui vivait à côté de chez moi. À notre rencontre, je ne pensais pas pouvoir être amie, un jour, avec un tel blaireau. Mon souvenir de ce soir-là est intact dans ma mémoire.


    — J’en ai ma claque, hurlé-je en jetant mon oreiller à travers ma chambre.
    Deux heures que je tente en vain de dormir. J’ai tout essayé. Les bouchons d’oreilles, le coussin sur la tête, les écouteurs. Que dalle ! La musique venant de chez mon stupide voisin continue de se déverser dans mon appartement en braillant. Oui, brailler. Il n’y a pas d’autre mot pour décrire la manière de chanter de l’artiste visiblement apprécié par l’homme qui vit de l’autre côté du mur. J’ai même cru, l’espace d’un instant, que quelqu’un était en train de l’égorger. Ce qui aurait au moins eu le mérite de me faire des vacances.
    Je me jette hors de mon lit et traverse la pièce à grandes en-jambées. Mon appartement est si petit qu’il me faut à peine dix pas pour parvenir dans le couloir de l’immeuble.
    Je claque la porte d’entrée derrière moi et fonce vers celle du Don Juan de pacotille.
    — La paix, crié-je en frappant de toutes mes forces.
    Je me défoule, ajoutant des coups de pied, jusqu’à ce qu’enfin le boucan diminue. Fière de moi, mais épuisée, je fais demi-tour avec l’idée de me plonger rapidement dans mon lit et de fermer les yeux.
    — C’est quoi votre problème, grogne une voix derrière moi.
    Je me retourne et me retrouve face à l’homme de mes cauchemars presque entièrement nu. Il n’a qu’une serviette qui entoure sa taille et ses yeux lancent des éclairs. Sérieusement ? Il est en colère alors que c’est lui l’emmerdeur ! Je n’avais pas prévu de lui faire face, mais maintenant qu’il est là, hors de question de me défiler.
     
    — Mon problème, c’est vous et votre musique, grommelé-je sans me démonter.
    — Vous n’aimez pas le hard rock ? Vous devriez vous y mettre pourtant. Histoire de vous décoincer un peu.
    — Qui c’est, bébé ?
    Une jeune femme rousse aux cheveux courts sort de l’appartement et se pose à côté de lui tout en me dévisageant. Contraire-ment à son compagnon, elle est entièrement dévêtue. Visible-ment, elle n’a aucun problème avec la nudité. Au point de se montrer dans le plus simple appareil devant des inconnus.
    — Personne, répond mon voisin en l’embarquant à l’intérieur de chez lui avant de claquer la porte.
    — Connard ! hurlé-je en donnant un coup dans le mur avant de retourner chez moi.
    Je file sous la couette, les nerfs toujours à vif. Je pose la tête sur l’oreiller et fixe le plafond. Au moins, il n’a pas remis en route la chaîne hifi. Je suis fière de moi. Je vais peut-être parvenir à trouver le sommeil, une fois calmée.
    — Plus fort, entends-je à travers le mur en même temps que le bruit de grincement.
    Ou pas, pensé-je.


    Le lendemain, lorsque j’ai croisé Elijah dans le couloir, il m’a demandé avec un grand sourire si le concerto de gémissements m’avait plu. Je l’ai incendié du regard et il s’est mis à rire.
    Je claque la porte du réfrigérateur, agacée, et tire une chaise jusqu’à l’évier. Le placard qui est au-dessus, trop haut pour qu’il me soit possible de l’atteindre même en me hissant sur la pointe des pieds, m’a semblé parfait en emménageant pour devenir la planque officielle pour toutes les cochonneries trop tentantes à grignoter. Je grimpe sur mon escabeau improvisé et repousse derrière mes oreilles les mèches blondes imaginaires qui chatouillent mon visage. J’ai beau avoir les cheveux courts depuis mon emménagement à New York, je n’ai pas perdu l’habitude de faire ce geste qui ne sert plus à rien. Une manie dont je n’arrive pas à me débarrasser. Je lève le bras pour saisir la poignée du placard, mais Elijah me prend de vitesse et referme ses doigts dessus avant que les miens ne la frôlent. Mon ami, qui me dépasse d’au moins vingt centimètres, n’a aucun problème pour atteindre notre cachette.


    — Tu devrais descendre de cette chaise avant de te casser un os, me fait-il remarquer. Tu sais parfaitement que l’un des pieds n’est pas solide.
    — Je pensais que tu l’avais réparé, répliqué-je, tout en posant mon pied droit à terre.
    — Je l’ai bidouillé, nuance. Je ne suis pas assez doué en bricolage pour faire mieux.


    Il tire sur la porte et jette un coup d’oeil à l’intérieur alors que mon pied gauche frôle le sol.


    — Réglisse, chocolat ou barbe à papa ?
    — Chocolat, lâché-je sans une hésitation.


    Elijah attrape une barre avant de me la tendre. Je lui fais « non » de la tête.


    — À ce point ? demande-t-il en haussant ses sourcils aussi noirs que ses cheveux.


    J’acquiesce d’un hochement de tête. Il sort une tablette que je lui arrache des mains sans perdre un instant avant de retourner prendre ma place dans le canapé. Mon ami s’installe à mes côtés alors que mes doigts s’activent déjà à déchirer l’emballage.


    — Je suppose que mon oubli n’est pas la seule chose responsable de ton état.
    — Non, admis-je en croquant un morceau. C’est juste la cerise sur le gâteau. J’étais déjà au stade « barre chocolatée » en arrivant à l’aéroport.


    Elijah connaît presque tout de moi. C’est une chose inévitable à force de vivre ensemble. Il a vite remarqué ma petite manie de manger certains aliments en fonction de mon humeur. Réglisse veut dire que la journée a été fatigante, barbe à papa qu’elle a été mauvaise, et chocolat qu’il vaut mieux se tenir loin de moi. Sauf lui. Sa présence a le don de m’apaiser. Surtout quand on maudit ensemble tous ceux qui ont fait de ma journée un enfer sur terre.


    — Seth, en déduit-il sans effort.
    — Seth, confirmé-je après avoir glissé un morceau entre mes dents.


    Elijah soupire avant de tenter de piocher dans mes provisions. Je le devance et éloigne mon bien.


    — Pas touche, grogné-je. C’est mon remontant.


    Et je l’ai mérité, haut la main. Depuis mon emménagement à New York, je rends rarement visite à ma famille. Et pour cause. En claquant la porte à mon passé, j’ai aussi mis fin aux projets que mes parents avaient pour moi. Et surtout celui de me voir épouser Seth, mon ami d’enfance. Après deux ans, ils ont enfin compris qu’il ne s’agissait pas d’une crise temporaire et ont fini par stopper leurs tentatives pour me faire revenir. Même si, au fond, ils espèrent toujours mon retour, ils ne me prennent plus la tête avec ça, au moins. Sauf qu’à mon grand désespoir, mon ex-petit ami n’a pas franchi cette étape. En trois jours auprès de mes proches, il n’a cessé de trouver des prétextes pour venir chez eux. Des excuses bidon comme une partie de pêche avec mon père dans le lac ou le besoin d’emprunter notre tracteur. Il n’a toujours pas saisi que nous n’avions plus rien en commun, à part un passé jalonné de bons moments. Et que j’aurais aimé que cela reste ainsi. Alors que son attitude actuelle chasse ces instants de bonheur de ma mémoire pour les remplacer par des scènes de disputes et de reproches.

    — Cesse donc de te pourrir la tête pour lui, Meg, glisse Elijah en saisissant mon menton entre ses doigts pour m’obliger à le regarder droit dans les yeux. Tu as fait un choix. Il finira par le comprendre.


    Je garde le silence. Je sais qu’il a raison. Que j’ai le droit de vivre ma vie ! Je n’ai rien à regretter. Sauf que voir Seth mal-heureux n’aide pas à en rester convaincue en permanence. J’ai juste opté pour le chemin de vie qui me convient. Sans tenir compte des envies des autres. Cette histoire me fatigue un peu plus à chacune de nos rencontres.


    — Allez, viens avec moi, lance-t-il en m’agrippant par les mains.


    Il me hisse sur les pieds sans le moindre effort. Mon corps se retrouve brusquement collé au sien.


    — J’ai quelque chose qui te redonnera le sourire bien plus facilement que du chocolat, ajoute-t-il, un rictus énigmatique sur les lèvres avant de me donner une pichenette sur le nez.


    Il attrape la tablette et la dépose sur la table basse.


    — Et où allons-nous comme ça ? demandé-je, intriguée.
    — Dans ta chambre, voyons, réplique-t-il, comme si cela était une évidence.
    — Et pour y faire quoi ?
    — J’ai bien quelques idées, commence-t-il en utilisant son mode dragueur, on pourrait…
    — Abruti, le coupé-je en le frappant sur l’épaule.
    — Aïe ! pleurniche-t-il en se massant l’épaule.
    — Tu es vraiment une petite nature, dis-je en réitérant mon geste.
    — Du calme, petit monstre. Sinon, tu ne verras pas ton cadeau.


    À l’entente du mot « cadeau », je le repousse et file jusqu’à ma chambre en courant, comme un enfant qui se rue vers le sapin le matin de Noël. J’ouvre le battant d’un coup sec et découvre dans le coin de la pièce quelque chose qui n’était pas là à mon départ.


    — Bon sang, Elijah, où as-tu trouvé ça ?


    Je m’approche de la coiffeuse ancienne en bois blanc sur-montée d’un miroir ovale. De la peinture s’écaille par endroits, lui donnant encore plus de charme.


    — Quelque part. Je ne vais pas te confier tous mes secrets sinon je ne pourrai plus te surprendre.
    Il se laisse aller contre l’embrasure de la porte. Je lui souris et lui saute au cou. Elijah me rattrape de justesse et me serre contre lui. Je profite de cette étreinte un instant pour me laisser aller à inspirer son odeur, la tête nichée au creux de son cou.
    — Alors, j’avais raison, non ?


    Je redescends à contrecoeur et le fixe dans les yeux.


    — Bien sûr que tu as raison, affirmé-je en lui collant un baiser sur la joue. C’est bien mieux que du chocolat.

    2
    MEGHAN
    28 juin 2020


    — Meg, tu as faim ?


    La voix d’Elijah me parvient à travers la porte fermée de ma chambre et mon estomac, à l’entente de ces mots, décide de manifester sa présence à grand renfort de gargouillis. Je jette un coup d’oeil sur le réveil posé sur la table de chevet et remarque qu’il est déjà presque quatorze heures. Je n’aurais pas dû profiter de mon dimanche pour faire une grasse mati-née. J’abandonne mon idée première et rejoins mon ami dans la cuisine après avoir réajusté une dernière fois la bâche en plastique sous la coiffeuse. Je commencerai la restauration après le repas.
    Je m’installe sur une des chaises de bar rouges, alors que mon ami sort plusieurs cartons d’un sac en papier.


    — Thaï, tenté-je de deviner rien qu’à l’odeur tout en attrapant l’une des boîtes.
    — Chinois, rectifie Elijah en prenant place en face de moi.

    Je délaisse subitement la nourriture malgré les protestations de mon estomac pour me concentrer sur mon ami.


    — OK, accouche, lui ordonné-je en adoptant un ton sérieux.


    Je remarque qu’il semble soucieux. Les cernes qui s’étendent sous ses yeux foncés ne laissent aucun doute sur la fatigue accumulée. Et celle-ci n’a rien à voir avec ses nombreuses conquêtes. Depuis la fille en « a » qui se nomme en réalité Mariama, Elijah n’est pas sorti et n’a ramené personne à la maison. J’ai trouvé cela étrange au début. Mon ami n’est pas vraiment connu pour pratiquer l’abstinence. Sauf que mes interrogations se sont vite envolées. La seule chose qui comptait était de pouvoir profiter pleinement de lui.


    — De quoi parles-tu ? s’étonne-t-il en essayant d’attraper quelques nouilles avec les baguettes.


    Je soupire avant d’empoigner sa main. Je retire l’élastique de mes cheveux et l’enroule autour des deux morceaux de bois. Mon ami parvient à saisir de la nourriture et me lance un sourire victorieux. Comme lorsqu’il gagne au Monopoly. Ce qui arrive presque chaque fois. J’ai toujours été nulle à ce jeu. Comme à la plupart des jeux de société.


    — Je te connais autant que tu me connais, lui rappelé-je. Tu ne supportes pas de manger tes frites sans sauce Tabasco. Tu adores chanter sous la douche. Même si tu affirmes le contraire. Et je sais parfaitement qu’il n’y a que deux raisons pour lesquelles tu commandes au chinois : soit mon insistance te tape sur le système et tu renonces, soit tu as une mauvaise nouvelle à me faire digérer.


    Une étrange manière d’essayer de faire passer la pilule. Une technique qui n’a jamais fonctionné, mais Elijah ne doit pas s’en être rendu compte. Il continue d’utiliser cette méthode.
    Après quelques secondes de silence, il lâche ses baguettes et se lance.


    — Tu te souviens du mois dernier quand je t’ai raconté avoir dépanné Marc.


    Je hoche la tête. Comme si je pouvais oublier cette soirée. Pour la première fois, j’ai eu un aperçu de ce qu’il offrait à ses conquêtes. Sans la partie sexe, bien sûr. J’ai compris pourquoi elles étaient si nombreuses à lui céder. Je savais déjà qu’il n’était pas aussi con qu’il en avait l’air à notre rencontre, mais je ne l’avais jamais vu aussi charmeur.


    — Bien sûr que je m’en souviens. Je ne t’avais jamais vu rentrer du travail aussi joyeux. Tu m’as obligée à enfiler une robe et tu m’as traînée jusqu’au restaurant en bas de la rue, soupiré-je bruyamment, comme si ce changement de plan avait été un calvaire.


    Un vrai restaurant. Pas un fast-food à la propreté douteuse. Ce fut l’une des plus belles soirées de ma vie.
    Une fois installé, il a commandé du champagne et a commencé à m’expliquer que Marc Stoke, le directeur de sa boîte, avait eu un problème avec son ordinateur et qu’il avait sauté sur l’occasion pour le dépanner. Avec succès.


    — Lundi dernier, il m’a convoqué dans son bureau, continue-t-il sur sa lancée. Un poste dans un des services informa-tiques de la société sera bientôt vacant et il me l’a proposé.


    Je suis tellement contente. Depuis le temps qu’Elijah se plaint de son travail, de s’ennuyer ferme en tant que préposé aux courriers. Il aurait enfin une chance de montrer ses compétences tout en évoluant dans un univers qu’il aime. Avec en prime, un meilleur salaire. Je me penche par-dessus le comptoir et cherche à l’enlacer, mais mon ami attrape mes bras et les pose sur le bar. Une minute. J’avoue ne plus comprendre. C’est une bonne nouvelle. Il me semble. Alors, pourquoi avoir commandé au chinois et pourquoi faire la tête ?

    — Seulement, il y a un petit problème.


    On y vient. Il y a toujours un « mais » ou un « hic ». Pourquoi n’est-ce jamais tout blanc ou tout noir ? Ce serait tellement plus simple pour tout le monde.


    — Le poste est à Chicago, lâche-t-il au bout d’un moment.


    Il ne me faut pas longtemps pour comprendre le sens de sa phrase. Et surtout les implications que cela entraîne. Chicago. Mon meilleur ami va partir loin. Très loin. À des centaines de kilomètres. Mon estomac se tait et mon coeur se serre. J’ai l’impression qu’il est pris dans un étau.
    Une main se pose délicatement sur la mienne.


    — Quand ? lui demandé-je d’une voix teintée de tristesse tout en redoublant d’efforts pour contenir mes larmes.
    — Dans deux semaines.


    Ma respiration se bloque dans ma gorge comme sous l’effet d’un coup de poing. Deux semaines. Quatorze petits jours. C’est trop rapide. Beaucoup trop rapide. Comment arriver à lui dire « au revoir » en si peu de temps ? Comment lui dire « au revoir » tout simplement ? Même avec des années devant moi, je n’y parviendrais pas.


    — Je n’ai pas encore pris de décision, m’avoue-t-il en caressant mes doigts.
    — Tu n’as pas accepté ? m’exclamé-je, surprise.
    — Non, me confirme-t-il. Bien sûr, cette proposition est une aubaine et elle ne se représentera peut-être pas. Surtout pour quelqu’un sans diplôme.


    Une once de soulagement m’envahit. S’il n’a pas dit « oui » alors il y a une chance de le convaincre de rester ici avec moi. Une chance de ne pas perdre la seule personne qui occupe ma vie new-yorkaise. Sauf que cette pensée est égoïste. Stupide-ment égoïste. Je ne peux pas lui demander de rester unique-ment pour moi. Pour ne pas me retrouver seule. Je n’ai pas le droit de lui imposer ce choix. Je dois me réjouir pour lui et ne pas montrer ma détresse.
    Je serre sa main et étire mes lèvres de mon plus beau sou-rire, mettant en sourdine mes véritables sentiments.


    — Accepte le poste, répliqué-je en essayant d’insuffler à ma voix une dose de bonne humeur.


    Ses yeux se voilent et sa main se crispe autour de la mienne quelques instants avant qu’il ne la lâche.


    — C’est vraiment ce que tu souhaites ?


    Non, hurle mon cerveau. Bien sûr que non. Je veux que tu restes ici. Je veux que tu restes avec moi. Je veux que l’on continue de partager nos repas. Je veux que l’on continue de rire ensemble. Je veux pouvoir compter sur ta présence jour après jour. Je n’imagine même pas vivre dans cet appartement sans toi. Je n’ai pas envie de devoir faire face à ton absence jour après jour. Sauf que je n’ai pas le droit de te dire tout ça. Je n’ai pas le droit de te mettre face à ce choix. Je ne veux pas que tu restes à contrecoeur. Je n’ai pas envie d’être celle que tu finiras par haïr.


    — C’est une occasion en or, réponds-je à contrecoeur. Et tu n’as rien qui te retient ici.


    À part moi, terminé-je, silencieusement.


    — Tu as sans doute raison, admit-il en se levant. Rien ne me retient ici.


    J’ai l’impression de déceler une pointe de regret dans sa voix, mais mon imagination doit me jouer des tours.
    Elijah contourne le bar, dépose un baiser sur mon front avant d’attraper sa veste. Il suspend son geste quelques secondes et se tourne dans ma direction.
    J’ai envie de lui hurler de rester, mais ma voix reste enfermée au fond de mon âme lacérée. J’ai envie de le retenir, mais mes jambes refusent de bouger.
    Mon ami ouvre la bouche avant de se détourner et de quitter l’appartement sans un mot.
    Alors que la porte se referme derrière lui, l’air chargé de son parfum s’envole avec lui. Les vannes s’ouvrent et mes larmes s’échappent pour venir tracer des sillons sur ma peau. Je jette un coup d’oeil morne à notre déjeuner à peine entamé et me rends compte qu’il s’agissait d’un de nos derniers moments ensemble. Le jour où notre amitié a débuté me revient en mémoire.


    Je plonge le nez dans mon verre. Encore une fois. Je n’ai pas compté, mais cela ne m’étonnerait pas de m’y être déjà attardée une dizaine de fois. Tout plutôt que de risquer de croiser le regard de mon voisin. Vu son amitié avec le barman, il doit s’agir d’un pilier de l’endroit. Un de ces hommes qui y passent presque toutes leurs journées.
    Je l’écoute d’une oreille distraite déblatérer sur son emploi de courtier en bourse, me donnant des conseils pour investir. Malgré son costume, son discours sonne faux. Et son haleine débordant d’alcool n’aide pas à me convaincre. Je viens peut-être d’une petite ville, mais je ne suis pas une idiote.
    J’ai pourtant essayé de le repousser. D’abord, en lui expliquant clairement que, peu importe ses intentions, je n’étais pas intéressée. Puis en me rendant aux toilettes, histoire de lui donner le temps de trouver une autre proie. Et enfin, en l’ignorant complètement.
    Rien n’a fonctionné. Moi qui voulais simplement décompresser en prenant un verre avant de retrouver mon studio vide et ennuyeux ! Cette journée a été une horreur. Mon collègue est un trou du cul et un fayot qui ne trouve rien de mieux à faire que de raconter la moindre de mes petites erreurs à la direction. Résultat, j’ai eu droit à un remontage de bretelles en bonne et due forme accompagné d’un coup de règle sur les doigts. Au sens figuré, bien sûr.
    Je glisse un billet sur le comptoir et descends du tabouret. Je tire un peu sur ma jupe, cherchant à cacher mes cuisses. Quelle idée stupide de mettre un morceau de tissu aussi court ! Ce n’est vraiment pas mon genre. Je me suis sentie mal à l’aise toute la journée. Je n’aurais pas dû écouter Tania. Au téléphone hier, elle m’a conseillé de me montrer plus féminine. Pour attirer un homme, il faut montrer un peu de peau. Comme on attire les abeilles avec le sucre. Selon elle, la concurrence est rude à New York. Elle n’a pas tort. Sauf que cette femme en jupe courte et en talons, ce n’est pas moi. Et pour se sentir bien avec quelqu’un, il faut commencer par se sentir bien avec soi-même.
    Je place mon sac en bandoulière et amorce un mouvement pour quitter cet endroit, mais une main se referme sur mon bras.


    — Reste encore un peu ma jolie, me souffle mon voisin de bar dans le visage. Je t’offre un autre verre.
    — Non, merci, refusé-je poliment en essayant de me dégager.
    — Allez, insiste l’homme en assurant sa prise tout en se collant contre moi.


    Je pose les mains sur son torse et tente de le repousser. Son visage s’approche et ses lèvres tentent de se poser sur ma bouche. Je parviens à détourner la tête juste à temps pour qu’elles ne touchent que ma joue. Je cherche du regard de l’aide, mais personne ne semble nous prêter attention. Et inutile de crier. Les conversations sont trop bruyantes.


    — La demoiselle t’a dit « non », il me semble, intervient une voix masculine dans mon dos.
    Je sens la prise autour de mon bras s’atténuer. J’en profite pour me dégager et retrouver ma liberté.
    La personne dans mon dos me pousse doucement derrière elle et se place entre mon agresseur et moi. Je ne vois qu’un homme de dos, et pourtant, j’ai l’impression de connaître cette silhouette.


    — Occupe-toi de tes affaires, grogne le pseudo-courtier en bourse.
    — Mais ce sont mes affaires. J’ai horreur qu’on embête ma petite amie.


    Je grimace sur le dernier mot, mais ne le contredis pas. Peut-être que mon faux petit ami arrivera à me débarrasser de l’autre homme.
    Ce dernier doit calculer les chances qu’il a de s’en sortir dans une confrontation directe avec mon sauveur. Je dirais proches de zéro. Surtout dans son état actuel. Il doit se rendre à la même évidence, car il me regarde avec haine une dernière fois avant de lancer un « elle n’en vaut pas la peine, de toute façon ».
    Mon « copain » passe un bras autour de mes épaules et me serre contre lui tout en me dirigeant vers la sortie. La position m’empêche de voir son visage et je commence à paniquer. Et si on m’avait sortie d’un piège pour me mettre dans un autre, encore pire ? Et si cet homme était plus dangereux que l’autre ? Et si…
    Je n’ai pas le temps de finir mes interrogations silencieuses. Le corps s’éloigne, me libérant de sa prise. Je recule un peu plus, histoire de mettre une distance raisonnable entre nous, puis lève la tête.


    — C’est pas vrai, marmonné-je en découvrant l’identité de celui qui se trouve face à moi.


    Pourquoi faut-il que ce soit mon connard de voisin ? Non seulement il m’a vue dans une position vulnérable, mais en plus, je lui suis maintenant redevable.


    Même s’il a fallu encore des mois avant que l’on se considère comme des amis, cet événement a tout déclenché.
    J’abandonne la cuisine et pars me réfugier dans ma chambre, mais au lieu de m’effondrer sur mon lit, je m’essuie rageusement les joues avec les mains avant de me mettre au travail.

    J’ai déjà examiné les rénovations à faire sur la coiffeuse. Alors que le miroir est en bon état, ce n’est pas le cas de la poignée de couleur or qui permet d’ouvrir le tiroir. Je pourrais facilement condamner celui-ci et me contenter de poncer le bois avant d’appliquer une couche de peinture, mais ce serait du gaspillage. Un espace de rangement, aussi petit soit-il, est toujours utile.
    J’entoure la poignée de mes doigts et tire vers moi, mais le tiroir reste coincé. J’y mets un peu plus de force et cette fois-ci, il s’extrait de son emplacement. Sous le coup de la surprise, je lâche ma prise. Mon mouvement provoque une chose inattendue. Des dizaines de feuilles blanches volent à travers la pièce avant de retomber sur le sol.
    Intriguée, j’en saisis une entre mes doigts et m’aperçois que plusieurs mots s’étalent dessus, tracés à l’aide d’un stylo noir. Une écriture ronde et soignée qui me semble appartenir à une femme.
    En y regardant de plus près, je remarque des dates. Comme un journal intime. Je rassemble les feuilles et les pose sur mon lit. J’ai des choses plus urgentes à faire.
    Plongée dans mes pensées, mes doigts s’affairent à remettre cette antiquité en état durant plusieurs heures. Un travail de longue haleine qui ne prend fin que lorsque la lumière du soleil décline par la fenêtre.
    La gorge sèche, je me lève, abandonne ma chambre et rejoins la cuisine d’un pas lent. En voyant la nourriture traîner encore sur le comptoir, mon estomac crie famine. Avec toute cette histoire, je n’ai presque pas mangé ni bu de la journée. Et il est plus de 18 h.
    J’attrape une bouteille d’eau dans le réfrigérateur. Le carton rempli de nouilles fait un tour dans le micro-ondes. Je m’installe dans le canapé. Je n’allume pas la télévision. Je reste là, assise, à mâchouiller et à boire tout en pensant à Elijah. Mon ami n’est toujours pas rentré et maintenant que mon esprit n’est plus occupé, l’inquiétude m’envahit. Je pourrais lui téléphoner, mais je le connais assez pour savoir que ce n’est pas une bonne idée. S’il n’est pas encore revenu, c’est qu’il a besoin d’être seul.
    J’avale une dernière gorgée avant de faire un brin de ménage et de retourner dans ma chambre. Je me laisse tomber sur mon lit, juste à côté du tas de feuilles. Je m’en empare et les classe dans l’ordre des dates avant de me plonger dans la lecture. Aussitôt, l’image d’une jeune femme brune se matérialise. Elle est assise sur une chaise devant la coiffeuse. Et alors que mes yeux suivent les premières lignes du journal, la scène décrite prend vie et je me retrouve aspirée dans ses souvenirs de telle manière qu’elle et moi ne formons plus qu’une seule et même personne.

     

    Extrait : A livre ouvert de Nikki J Jenkins

    Disponible en version papier

    et numérique


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